Abdou Aziz Ndiaye: “Le Parti socialiste sénégalais : de la reconquête du pouvoir à la conquête des places”

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Fondé en 1948 par le président Léopold Sédar Senghor, le parti socialiste sénégalais a eu à diriger le pays pendant près de 40 ans et a connu d’éminentes personnalités politiques de très grande valeur comme Lamine Guèye, Mamadou Dia, Abdou Diouf etc.
Aujourd’hui il est très amer de constater que ce parti qui a écrit les plus belles pages de l’histoire politique et administrative du Sénégal est dans un gouffre profond depuis la nomination de feu Ousmane Tanor DIENG (qu’Allah ait pitié de son âme) en 1996 comme premier secrétaire de cette formation politique. C’est lors du fameux « congrès sans débat » au cours duquel, Ousmane Tanor Dieng s’est vu confier la charge de Premier secrétaire du parti par le Président Abdou Diouf, contre les ambitions des ténors comme feu Djibo Kâ et Moustapha Niasse. Cela a suscité une véritable crise dans le parti, obligeant Djibo Kâ, puis Moustapha Niasse de quitter le parti pour créer leur propre formation politique.
D’autres départs importants comme ceux de Souty Touré et de Robert SAGNA seront enregistrés au lendemain de la défaite historique de 2000 du PS et au moment où le processus de reconquête du pouvoir venait d’être enclenché avec Tanor comme leader indéboulonnable du parti.
 Malheureusement, avec OTD, le Parti socialiste n’a cessé de perdre du terrain et de l’influence sur le champ politique. En 2001, il arrive 3ème aux élections législatives avec au décompte final seulement 10 des 120 sièges en jeu à l’Assemblée nationale. Le malaise de l’ancien parti unique ne s’en trouve pas soulagé lorsque de 41 % des suffrages des électeurs lors de l’élection présidentielle de 2000, le Ps est passé à 11 % à l’occasion du dernier scrutin de 2012 qui a vu l’accession de Macky Sall au pouvoir. Soit deux points de moins que lors de la présidentielle de 2007 où le Ps s’était classé troisième avec 13 % juste derrière Idrissa Seck, le surprenant deuxième qui enregistrait 14 % des suffrages exprimés des sénégalais.
En 2014, la coalition Benno Bokk Yakaar est créée. Ousmane Tanor Dieng décide d’accompagner Macky Sall dans sa gouvernance en échange de postes dans certains ministères et autres institutions. Le plus délicieux formage, produit du deal gagnant est la présidence du Haut conseil des collectivités territoriales.
Le reste est connu de tous. Depuis cette alliance, le PS, jadis une des formations les plus riches en histoire et les plus structurées du Sénégal est devenu un simple « un parti délégué auprès du parti APR » servant de béquille au pouvoir et se glorifiant de partager actif et passif du régime du Président Macky SALL. Des luttes fratricides ont continué à exacerber la crise dans le parti et après un désaccord avec le maire de Dakar à l’époque, Khalifa Sall, le parti s’est divisé en deux factions. Une, fidèle à Khalifa et l’autre, fidèle à Ousmane Tanor Dieng.
Le PS a annoncé l’exclusion d’environ 60 personnes des rangs de la formation socialiste, dont le député maire de Dakar Khalifa Sall à l’époque, au moment où il était en prison pour de présumées malversations financières. Barthélémy Dias, qui était maire de Sicap-Mermoz, Bamba Fall, l’édile de la Médina, Aissata Tall Sall, Idrissa Diallo et Banda Diop sont eux aussi concernés par cette décision. Tous, sont considérés, comme des proches ou soutiens du maire de Dakar et ne sont plus autorisés à se revendiquer du Parti socialiste.
Aujourd’hui après le départ de Khalifa SALL, le parti renoue encore avec les démons des divisions inutiles et ses dirigeants sont impuissants face aux oppositions internes et rien ne semble favorable à l’émergence de nouveaux talents ou à aller dans le sens de réconcilier les socialistes du « dedans et du dehors »
La formation de Senghor est devenue un petit machin encore fractionné, divisé, incapable de tenir un débat entre militants avec la discipline du parti en bandoulière. Tout le monde porte le grade de général et de caporal à la fois. Les réunions sont souvent émaillées de violences physiques ou verbales entre les souteneurs de l’intérimaire au poste de SG, madame Aminata Mbengue NDIAYE et ceux de l’actuel ministre de l’Eau et de l’Assainissement monsieur Serigne Mbaye THIAM. Ce dernier, aurait souhaité mettre en branle un processus conduisant au renouvellement des instances décisionnaires du parti. Il n’est pas favorable à une gestion par intérim et sans limitation dans le temps du poste de premier secrétaire du parti. L’intérimaire au poste de SG ne pèse plus et est en perte de vitesse depuis la défaite aux dernières élections municipales de la coalition « Jammi Sénégal », qu’elle a soutenue dans son fief de Louga aux cotés de Mamour DIALLO actuel Directeur général de l’ONAS. Son rival lui-même est confronté à un problème de représentativité et n’a jamais occupé de poste électif.
 C’est pourquoi, de l’avis de certains caciques du parti, pour occuper ce poste, il faut remplir un certain nombre de critères basés entre autres sur la représentativité et sur la légitimité historique et non sur la base d’un décret de nomination à un poste ministériel ou de présidence d’une grande institution.
Ce parti gagnerait à travailler à taire les ambitions personnelles et improductives et autres querelles entres cadres du parti qui doivent relever avec maturité et dignité le riche legs qui leur est transmis par leurs prédécesseurs.
Il faut oser le dire, si tous les responsables portent une part de responsabilité dans « le dépôt de bilan » d’un parti d’où sont issus les deux premiers présidents de la République et qui a géré le pays pendant 40 ans, ceux qui lui ont plus causé de tort demeurent ses dirigeants à partir de l’époque de Tanor. Tous coupables de s’emmurer dans une alliance contre nature qui ressemble à une fusion absorption de parti au nom du consensus national.
Depuis le départ de Tanor, il est de constat que les socialistes les plus représentatifs, sont ceux qui sont restés dans l’ombre au sein du parti et d’autres qui sont en dehors de cette formation et il faudra mettre en selle les premiers et/ ou faire revenir les derniers pour espérer faire regagner au parti ses lettres de noblesse.
Tout porte à croire que le véritable problème est que le parti socialiste actuel ne dispose pas de dirigeants ou leaders capables de redresser la pente et de le représenter aux prochaines élections en tant que formation politique expérimentée, entité indépendante, legs riche et patrimoine historique du Sénégal. C’est l’autre explication du renoncement de ses dirigeants à l’idéologie qui est à la base de leur formation politique, qui acceptent de se livrer pieds et mains liés à l’APR, de se transformer en parti support pour un pouvoir libéral qui a réussi son pari : diviser pour mieux régner.
Les mots forts de Jean Christophe Cambadélis à l’endroit du socialisme français sont valables pour le PS sénégalais : « le Ps n’est pas mort, mais il ne respire plus ». Aujourd’hui plus que jamais l’intransigeance socialiste a cédé la place à la complaisance, l’idéal idéologique aux conspirations politiciennes et pour ne pas paraphraser le politologue Ibrahima SYLLA, l’idée n’est pas de dire que le socialisme n’est pas ce que nous croyions, mais qu’il est devenu ce que nous ne pouvions pas croire avec des leaders qui incarnent maladroitement l’héritage du PS. Priorité aux potes et places !
Depuis son ancrage au sein de BBY, le PS est réduit à sa plus simple expression et a apparemment perdu son âme pour des privilèges que lui aurait assénés le pouvoir. L’accession aux délices du pouvoir a réduit l’idéologie socialiste à des ambitions individualistes et semble prendre le dessus sur la volonté de reconquérir le pouvoir. Pour les ex-camarades de Khalifa et de Barth, la politique n’est plus un sacerdoce mais une question de portefeuille à gérer et à conserver jalousement ; peu importe ce qu’en pensent les férus de courants idéologiques.
Le perchoir du Haut conseil des collectivités territoriales, des postes ministériels et d’autres petits privilèges suffisent au bonheur et à l’honneur de hauts cadres du parti en quête de légitimité auprès de leurs militants toutes catégories d’âge confondues.
Ce parti doit avoir le courage d’aller aux élections, de concourir à l’expression du suffrage pour montrer aux sénégalais ce qu’il vaut actuellement.
Les amoureux de l’histoire politique et des courants idéologiques tireraient chapeau au Président de la République si à côté de sa belle et salutaire déclaration de ne pas se représenter en 2024, il ajoutait que j’ai également décidé de « délier » le PS et d’encourager ses leaders à aller se mesurer à la prochaine élection présidentielle. Cela permettrait aux sénégalais de mieux apprécier le poids politique du PS actuel.
Aujourd’hui, après cette annonce du Président de la République, le PS doit décider les jours à venir s’il compte relever le défi de la tenue d’un congrès (avec débats cette fois ci), pour opérer de véritables changements dans la gouvernance et pour la redynamisation du parti, en refaire une formation structurée et solide avec la poursuite de l’idéal d’une société communautaire et d’une véritable démocratie au service du peuple ou perdurer le suivisme moutonnier et ne pas s’affirmer. Dans ce dernier cas de figure il s’agirait d’une attitude simpliste et paresseuse et la reconquête du pouvoir s’envolera définitivement à la faveur d’une entreprise hideuse de conquête de gains faciles ; ce qui n’honore point Senghor et autres figures emblématiques du parti.
Abdou Aziz NDIAYE
Dagana
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