Dans une tribune publiée dans les colonnes de Jeune Afrique en 2019, au lendemain de sa réélection, j’évoquais ce que sera le dernier mandat du Président Macky Sall, 48 heures après son investiture. Aujourd’hui, à la lumière des bouleversements historiques récents, je voudrais poursuivre mon analyse, après l’acte fondateur du 3 juillet 2023, dont Macky Sall est l’unique et le véritable métronome.
Monsieur le Président de la République, depuis que vous avez décidé de ne pas briguer un autre mandat, votre camp est sonné, l’opposition désarçonnée et le peuple, lui, continue de frissonner.En vrai de vrai, votre apogée historique marque désormais votre retraite politique. Dorénavant, pour les 230 jours restants, vous aurez l’illusion du pouvoir, mais la réalité du pouvoir est déjà ailleurs.
En outre, comme je l’écrivais dans les colonnes de J.A en 2019 : « vous serez le premier chef d’État à organiser une élection présidentielle sans y être candidat, et vous ne serez plus éligible en tant qu’électeur. Autrefois maître du jeu politique, vous ne serez plus qu’un arbitre électoral. De l’enviable position d’acteur principal, vous deviendrez un simple spectateur. Vous serez le premier président dont la date de fin de mandat sera officiellement connue, le 2 avril 2024. Bien mieux, vous serez le premier homme politique à quitter le pouvoir sans avoir été défait par un scrutin ».
Quatre années après, il est inutile de dire que l’histoire nous donne raison.
À présent, il nous faut questionner le présent et envisager le futur immédiat sans vous.
Les médias, d’ici et d’ailleurs, ne s’intéresseront à vous que pour connaître votre choix personnel parmi les candidats probables à la présidence de la République.
La lutte pour votre succession sera impitoyable, féroce et intense. Eh oui ! depuis votre déclaration de non-candidature, les ambitions sont fortes, tenaces, légitimes, débridées. Dans votre camp, il y a déjà plusieurs camps. Quant à l’opposition radicale, elle ne cherchera plus à vous abattre. Tenez ! Même l’intrépide Ousmane Sonko [prêt à vous pardonner et à oublier] ne fera plus de vous, son principal adversaire. La tenace Aminata Touré non plus. Au lieu de chercher à vous battre, Idrissa Seck, Karim Wade et Khalifa Sall convoitent votre fauteuil. Tandis que vos deux potentiels dauphins Amadou Ba et Abdoulaye Daouda Diallo se débattent silencieusement en vous demandant de bien capter leurs atouts et atours.
Monsieur le Président, vous êtes en train de tourner la page la plus héroïque, la plus palpitante et la plus noble de votre vie publique. Aussi grand que le Président Léopold Sédar Senghor, vous entrez dans l’histoire pour y rester éternellement.
Toutefois, vous ressentirez bientôt quelques regrets et pleurerez en secret l’oubli d’un bilan par endroits élogieux et controversé ailleurs. Au crépuscule de votre carrière, vous commencerez à être entouré de bien peu de personnes. Jeune retraité de la vie politique à 63 ans, l’histoire retiendra que n’étant pas fait pour des défaites électorales, vous avez préféré vous défaire de la politique. Indubitablement, vous avez frappé nos esprits et touché nos cœurs.
En renonçant à briguer un troisième mandat, vous avez soudainement fait de la présidentielle de 2024, la plus inédite, la plus complexe et la plus épique de notre histoire politique et institutionnelle. Vous l’avez dé-standardisée grand Dieu !
En effet, le programme des candidats ne se résumera plus à déclarer que le président sortant est l’homme à abattre. Le « Tout Sauf Macky » ne sera plus le thème de campagne. Il en faudra bien plus…
Hic et nunc, une seule question légitime préoccupe l’opinion nationale et internationale : qui sera le candidat de votre parti et de votre coalition ? Cependant, mon intérêt se porte ailleurs. Avons-vous pris en compte la fatalité d’un second tour ? Permettez-moi de rappeler une loi : celle de la gravité électorale que j’ai développée dans ma thèse de doctorat en Sciences juridiques et politiques.
Cette loi se résume ainsi : lorsque les candidats ne croisent pas le fer avec le président sortant, le scrutin impose un second tour d’office. Après un monitoring d’une centaine d’élections présidentielles dans le monde, nous avons pu trouver une seule exception à ce principe. Jour J- 230. A ce décompte, il faudra vraisemblablement ajouter 15 jours supplémentaires de campagne électorale.
Dr Cheikh Omar DIALLO
Docteur en Science Politique
Expert en Communication
Fondateur de l’Ecole d’Art Oratoire et de Leadership
EAO