Le Sénégal a toujours été une exception démocratique en Afrique. De la crise de 1962 opposant les deux têtes de l’Exécutif jusqu’à nos jours, l’Etat du Sénégal sera confronté à plusieurs crises et mutations politiques économiques et sociales, mais comme le roseau, il plie souvent mais rompt pas mettant ainsi le pays à l’abri de tout changement anticonstitutionnel. Par Yoro DIA, politologue, Ministre, Porte-parole et coordonnateur de la Communication de la Présidence.
Le Sénégal a toujours été une exception démocratique en Afrique et le restera. Exception démocratique quand il demeura un ilot de démocratie et de multipartisme dans l’océan des dictatures et des partis uniques des indépendances bien avant la première vague démocratique issue des conférences nationales et de la conférence de la Baule. Le retour du Printemps des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest dont le pays est à l’abri grâce à l’alternance devenue sa respiration démocratique confirme ce statut d’exception.
Le Sénégal tient son rang et confirme son statut avec la décision du Président Sall de ne pas briguer un 3e mandat. En plus d’une longue expérience démocratique bientôt bicentenaire et qui remonte à la colonisation, les deux poumons de l’exception sénégalaise sont Senghor et Wade. Senghor pour n’avoir jamais répondu à l’appel des sirènes du parti unique qui était la règle sur le continent à l’ère de Bokassa, Idi Amin et autres Sékou Touré. Wade a été l’autre poumon pour avoir opté pour une opposition légale à l’époque des guérillas et autres luttes armées.
De la crise de 1962 opposant les deux têtes de l’Exécutif jusqu’à nos jours, l’Etat du Sénégal sera confronté à plusieurs crises et mutations politiques économiques et sociales mais comme le roseau, il plie souvent mais rompt pas mettant ainsi le pays à l’abri de tout changement anticonstitutionnel.
Avec le traumatisme de la crise de 1962, Senghor qui avait un bon prétexte pour basculer vers le parti unique ne le fera pas, alors que dans d’autres pays, on a pas eu besoin de prétexte pour l’instaurer. Ce régime parlementaire qui avait survécu au Sénégal alors qu’il avait disparu en France avec la Ve République, fut aussi un des marqueurs de l’Exception Sénégalaise.
Donc le Sénégal est une vielle democratie à l’image de la France et des Etats Unis. Trump a été soluble dans la democratie américaine et la vague populiste du parti Pastef le sera pour notre démocratie. Les grandes démocraties sont de temps en temps confrontées à cette forme de réminiscence de l’ere des furies mais elles finissent toujours par les dompter comme l’ont été les gilets jaunes ou l’ouragan Trump si et seulement si l’Etat est solide pour faire face et non pas faible comme la République de Weimar face aux Nazis ou l’Etat Italien face aux fascistes. Comme un être humain la démocratie a besoin de deux poumons (majorité et opposition) pour respirer. Il y a eu exception sénégalaise parce que Wade avait choisi une opposition légale quand les guérillas et les coups d’Etat à étaient à la mode.
Un des fondements de l’exception sénégalaise réside aussi dans notre culture électorale et démocratique plus bientôt bicentenaire donc bien avant les conférences nationales et la conférence de la Baule à la fin des années 1990. La nouveauté aujourd’hui dans notre vielle démocratie habituée à des oppositions légales, est d’avoir une opposition qui a choisi de s’exprimer avec des cocktails Molotov, par les incendies de bibliothèques, d’universités et d’édifices publics en lieu et place du classique débat d’idées.
La récente sortie de l’opposant Sonko sur France 24 disant que pour la Présidentielle de 2024, ce serait Lui ou le « chaos indescriptible » nous rappelle stratégie de Charles Taylor au Liberia qui avait comme discours de campagne « J’ai tué ton père, j’ai tué ta mère, votes pour moi si tu veux la paix ». En résume terroriser les populations pour que ces dernières mettent la pression sur l’Etat pour qu’il recule. Cette forme d’opposition est anachronique pour notre standard démocratique, on s’attendait à avoir un Clinton pour recentrer le débat sur l’économie mais a eu Charles Taylor. Pour la nouvelle opposition, la légalité n’est que le paravent d’un projet totalitaire. Un des cadres de Parti Pastef a reconnu que l’élection de Sonko à la Présidence n’est qu’une étape mais l’objectif ultime est l’instauration de l’islam salafiste, ce qui fait de ce parti un cheval de troie de l’Islam radical qui se propage comme un cancer en Afrique de l’Ouest. Le Sénégal est le dernier rempart mais doit faire face avec un cheval de troie en interne et des relais extérieurs comme Tariq Ramadan et les frères musulmans. Loin d’une dérive totalitaire, notre vielle démocratie est confrontée aux excès et aux faiblesses inhérents à tout système démocratique. Aux Etats Unis, cela a donné Donald Trump, et en France les gilets jaunes.
La seule différence est qu’aux Etats Unis, on pointe Trump du doigt accusateur pour les excès alors qu’au Sénégal on est victime, comme souvent le cas en Afrique, d’idées reçues dont l’avantage selon Flaubert est qu’on pas besoin de les démontrer. Au lieu de dénoncer l’anachronisme d’une opposition insurrectionnelle qui s’exprime avec des cocktails molotovs, par des incendies, et des appels au meurtre d’un Président démocratique élu, notre société civile dégénérée parce que partisane et une certaine presse internationale préfèrent la facilité qui consiste à transformer une victime ( Etat) en coupable. On se concentre sur les conséquences et on oublie les causes. Karl Popper ne savait pas si bien dire en parlant de la « société ouverte et ses ennemis ».
Aujourd’hui notre democratie, notre société ouverte est en face d’ennemis qui ont fomenté un grand complot pour le détruire. Donc il n’y a pas de tentation vers un régime totalitaire mais nous luttons contre une opposition qui a projet totalitaire et insurrectionnel et qui est devenue le cheval de Troie à fois des salafistes et un instrument de revanche des séparatistes qui ont transféré leur combat dans la capitale. Aujourd’hui le Sénégal est à la croisée des chemins. Nous sommes conscients que notre pays est le dernier verrou qui fait face au salafisme jihadiste. En Afrique de l’Ouest le Sénégal qui est un Etat Pivot ( pays stable avec une armée républicaine) est aujourd’hui la cible d’un grand complot. Ce complot qui encourage l’insurrection en interne vise à ternir notre image dans le monde est voué à l’échec.
Les alternances de 2000 et 2012 qui ont fini de prouver la fiabilité de notre système électoral et la qualité de notre administration capable de gérer une transition entre ère socialiste de 40 ans et celle libérale en dix jours en 2000 et 6 jours en 2012. Cette alliance hétéroclite qui va des salafistes au MFDC (mouvement des forces démocratiques de Casamance) cherche à détruire le modèle, l’exception sénégalaise, cette société ouverte qui est l’antithèse de leurs théories dont la principale est que la démocratie ne serait pas soluble dans l’Islam. Le Sénégal prouve le contraire mais aussi déconstruit aussi la thèse culturaliste qui veut qu’en Afrique multipartisme rime avec partis ethniques. Et c’est une torture pour eux que le Sénégal prouve le contraire tous les jours. Autant, le Sénégal a été le pionnier pour aller vers le multipartisme autant il le sera sur comment faire face à la vague populiste qui va souffler sur le continent comme la vague démocratique des années 1990. Le Sénégal, phare de la démocratie en Afrique tiendra son rang et se maintiendra contre vents et marées.
Dr Yoro DIA
Politologue
Ministre, Porte-parole et coordonnateur de la Communication de la Présidence